PLFSS 2022 et CSIS : Comment le gouvernement s’engage concrètement dans le numérique en santé ?

Vieillissement des populations, augmentation des maladies chroniques, gestion des épidémies, lutte contre les déserts médicaux sur son territoire … autant de défis que la France et son système de santé s’apprêtent à affronter dans les prochaines années. Pour répondre à ces enjeux, aussi complexes que variés, le numérique se présente comme la nouvelle approche incontournable pour repenser le système de santé.(1)

Et cela, le gouvernement l’a bien intégré ! En effet, depuis la tenue du Ségur de la Santé entre mai et juillet 2020, puis la publication du rapport Innovation Santé 2030 par le Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS), le numérique tient une place chaque année un peu plus importante dans l’orientation des nouvelles décisions.

Cette volonté a été renforcée une fois de plus, avec la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2022 (PLFSS22). Le budget qui y est présenté s’inscrit naturellement dans la continuité des engagements du Ségur de la Santé. Il met l’accent sur des financements « classiques » tels que des mesures relatives à la perte d’autonomie, l’accès aux soins, sans oublier, une année de plus encore, la gestion et la prise en charge des conséquences de la crise sanitaire.
Rien de très nouveau en somme ! Pourtant, on voit apparaitre, au fil des articles, une intégration progressive des nouvelles technologies avec un objectif très clair : intégrer pleinement le numérique dans les pratiques et sous toutes ses formes.

En termes de chiffres, le Plan de Financement de la Sécurité Sociale (PFLSS) prévoit d’allouer 1,4 milliards d’euros entre 2021 et 2025 pour l’intégration de projets numériques de toutes sortes. Dont 515 millions pour la seule année 2022, en ciblant(2)

  • Le développement des usages du numérique en médecine de ville
  • La mise à niveau des logiciels de santé et de l’espace numérique en santé

Mais quelles sont les ambitions de la France et sur quels textes se repose-t-elle pour atteindre ses objectifs ?

Positionner la France comme leader du numérique (1)

Plusieurs programmes publics complémentaires ont été lancés permettant de créer une réelle dynamique commune. L’idée centrale est de faire de la France un leader à minima européen de l’adoption des pratiques digitales en santé.

Pour cela, la France peut compter tout d’abord sur la feuille de route du numérique en santé et le Ségur de la Santé, tous deux portés par le ministère des solidarités et de la Santé. Ces derniers visent à moderniser, sécuriser et fluidifier les échanges de données entre professionnels de santé et avec le patient.

Le programme Paris Santé Campus s’attache, quant à lui, à mobiliser un ensemble d’opérateurs publics et privés, avec l’ambition de structurer une filière de recherche et d’innovation en santé numérique de rayonnement mondial.

D’autre part, le Health Data Hub vise à accélérer la recherche et l’innovation basée sur les données de santé. Pour en savoir plus sur le Heath Data Hub, retrouvez notre article sur le sujet en cliquant ici.

De son côté, la stratégie « Santé Numérique » dans le cadre du plan France Relance promeut l’émergence de solutions innovantes, appuyées sur des approches scientifiques pluridisciplinaires et des modèles médico-économiques ambitieux, pour conquérir le marché de la santé numérique en pleine croissance au niveau mondial. Une stratégie en 5 axes :

Rapport Innovation Santé 2030 par le Conseil Stratégique des Industries de Santé, juin 2021

Enfin, l’article 33 du PLFSS vise à simplifier l’accès au marché des DTx (Digital Therapeutics), ces nouvelles formes de thérapies numériques.
Cet article de loi permet d’instaurer une connaissance et une reconnaissance dans le monde réglementaire, administratif et opérationnel des DTx.(3)

Pour en découvrir plus sur les chemins d’accès au marché des DTx en Europe, retrouvez ici notre article dédié.

Au sujet des DTx, TECHTOMED organise une journée dédiée à cette thématique. Événement soutenu par la DTx Alliance, le SNITEM, le LEEM, France Biotech, Médicen et de nombreux autres partenaires. Le 5 juillet prochain, en présentiel ou digital, rejoignez-nous ! Plus d’informations et inscription sur le site de l’événement : https://www.dtxfrance.org/

Chacune de ces pierres apportées à l’édifice permet de construire un vivier favorable au développement des nouveaux usages du numérique en santé et garantir la place de la France comme leader du domaine.

Entrer dans une nouvelle ère de la prise en charge du patient pour garantir une équité d’accès aux soins

Passage de la télésurveillance dans le droit commun

Selon l’Assurance Maladie, la télésurveillance permet à un professionnel de santé d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions pour la prise en charge de ce patient. La télésurveillance promet d’améliorer le suivi et la qualité de vie des malades chroniques en réduisant notamment le nombre de leurs déplacements.(4)

Le programme ÉTAPES, mené de 2018 à 2021, visait à montrer la pertinence de la prise en charge par télésurveillance des patients dans le cadre de cinq pathologies définies : l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire, le diabète et les prothèses cardiaques implantables.
Le programme a pris fin l’année dernière. Après des résultats d’études cliniques largement positifs, l’étape suivante est désormais de favoriser le déploiement national et une prise en charge de la télésurveillance par l’Assurance maladie. Cela se traduit par l’arrivée de la télésurveillance dans le droit commun. Une tarification forfaitaire sera mise en place pour les personnes atteintes de l’une des cinq pathologies citées.(5)

Simplifier et accélérer l’accès au marché des innovations pour offrir un meilleur accès aux soins

Afin d’offrir un accès généralisé à la télésurveillance et aux dispositifs médicaux associés, tout en s’assurant que ce déploiement se fasse au service de patients, des professionnels et du système de santé, le PLFSS propose la mise en place d’un mécanisme d’accès immédiat au marché avec une ASMR (amélioration du service médical rendu) 1 à 4 post-avis de la Haute autorité de santé, comparable au système allemand d’accès au marché́, avec un test pendant 2 ans.(5)
Dans ce même objectif d’offrir un meilleur accès aux soins, en 2018, par l’article 51, la loi de financement de la sécurité sociale a introduit un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits. Ce dispositif concerne les organisations qui contribuent à améliorer la coordination du parcours des patients, l’efficience du système de santé, l’accès aux soins ou encore la qualité et la pertinence des prises en charge.
Ce dispositif permet de déroger à de nombreuses règles de financement de droit commun, offrant une véritable opportunité pour tester de nouvelles approches. Ce dispositif est applicable aussi bien en ville comme qu’en établissement hospitalier ou médico-social.(6)

Anticiper la médecine de demain : La médecine des 5P(1)

Enfin, si on se tourne vers l’avenir, le CSIS préconise un investissement de 650M€ pour déployer la médecine 5P et faire émerger des champions français.
La médecine des 5P correspond aux concepts suivants : personnalisée, préventive, prédictive, participative et basée sur les preuves.
Elle est considérée aujourd’hui comme la médecine de demain et celle vers laquelle nous devons tendre. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie, l’organisation des soins et de prévenir l’aggravation des inégalités d’accès aux soins en évitant une fracture numérique qui viendrait s’ajouter à une fracture sociale déjà existante.

Des avancées notables ont été faites ces dernières années, grâce à une volonté politique commune de donner plus d’ampleur aux usages du numérique en santé.
Nous sommes à l’aube d’une révolution du secteur, qu’il s’agisse des fournisseurs de solutions, des organes de commercialisation, des prescripteurs, des utilisateurs ou encore des instances gouvernementales, tous les acteurs sont concernés. Beaucoup de solutions vont prétendre à des validations cliniques et réglementaires. Il faudra alors leur proposer des chemins d’accès au marché clairement définis avec des critères atteignables. Car aujourd’hui les barrières restent nombreuses dans la pratique. Pour exemple, en Europe, l’accès au remboursement est individualisé pays par pays et n’offre aucune procédure harmonisée. La seconde principale barrière concerne l’évolution des pratiques des professionnels de santé. En particulier, comment faire pour les convaincre de prescrire une thérapie numérique sur ordonnance ? Pour cela, il faut des outils simples d’utilisation et un modèle de rémunération incitatif et direct.(7)
Ce sont les conditions à respecter dans un premier temps si nous voulons laisser une chance à ces nouvelles thérapies d’explorer le marché européen et de s’y développer de manière pérenne.

Mathilde PASKO

Consultante HealthTech @TECHTOMED

mathilde.pasko@techtomed.com

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