Interview croisée moveUP & Techtomed

Paris, le 18 mai 2022

Bonjour Charles-Éric, pourriez-vous vous présenter ?

Je suis Charles-Éric Winandy, un des fondateurs de la société moveUP. Je suis ingénieur en mathématiques et j’ai beaucoup travaillé dans la finance auparavant. En 2014, j’ai fait un Executive MBA pour ouvrir le scope de mes compétences. C’est là que j’ai rencontré mon co- fondateur, un chirurgien orthopédique. Nous étions à la recherche d’une solution innovante afin de réduire la variabilité des résultats que mon co-fondateur observait chez ses patients en orthopédie.

Pourriez-vous nous présenter moveUp ?

MoveUP est une société en santé numérique. Son objectif est de réduire la variabilité des résultats des patients après les procédures orthopédiques. D’après la littérature scientifique en orthopédie, jusqu’à 30 % des patients ne sont pas satisfaits après une opération orthopédique et sont encore sous antidouleurs un an après l’intervention. Ces phénomènes sont difficiles à expliquer. Notre idée a été de récolter des données de vie réelle afin de mieux comprendre le quotidien des patients, leurs activités et essayer d’expliquer les raisons qui causaient ces douleurs.

Quelles ont été les étapes de développement de moveUP ?

Nous avons commencé à petite échelle en 2016 à suivre des patients par petits groupes en les interrogeant par questionnaires papiers et interviews téléphoniques. Puis, pour mieux comprendre le profil d’activité physique, on les a équipés de bracelets traqueurs d’activité.
Graduellement, on a commencé à mieux comprendre l’évolution des patients après l’intervention. Alors on a construit une plateforme de télé monitoring des patients.

À partir de ces connaissances, on a commencé à intervenir en essayant de changer les comportements du patient, son niveau d’activité physique, ses prescriptions médicamenteuses, pour influencer et améliorer sa rééducation. Au fur et à mesure que la solution s’est développée, elle est devenue une solution « digital therapeutics » grâce au contrôle continu d’évolution des patients. La solution adapte en permanence le programme de rééducation en fonction des besoins du patient
Cette digital therapeutic présente un avantage majeur, le programme de rééducation est réparti sur toute la journée. Actuellement, le patient se rend chez son kinésithérapeute deux à trois fois par semaine pour des séances de 30 minutes à une heure. Avec cette nouvelle solution, les exercices sont répartis tout au long la journée, 4 à 5 fois pendant six minutes. L’étalement des séances permet de réduire l’intensité d’inflammation de l’articulation.

En quoi vous qualifiez vous comme DTx ?

Pour moi, DTx signifie que le patient va être traité via l’outil numérique. Donc qu’il va bénéficier d’une adaptation du traitement. Ici, le patient va recevoir son programme de rééducation via la plateforme personnalisée. Il va recevoir les bons exercices en temps réel et les bons conseils. Le patient n’est pas uniquement surveillé par l’application mais il reçoit également son traitement par l’application, d’où le concept DTx.

Pourriez-vous nous parler du chemin d’accès au marché et au remboursement en Belgique ?

Cela n’a pas été un parcours facile, comme pour toutes les solutions DTx, je pense. Ce n’est pas un mode de financement classique, il n’y a pas de paiement à l’acte comme c’est le cas la plupart du temps dans les différents systèmes de santé en Europe. En Belgique, c’est un parcours assez long. Les premières études ont démarré avec l’assurance-maladie en 2017 pour montrer la sécurité et l’efficacité de la solution. Il a fallu attendre 2021 pour obtenir le remboursement, soit quatre ans de discussions et de négociations. Nous étions la première solution DTx remboursée, nous avons d’une certaine manière ouvert la voie.
La Belgique possède trois niveaux de validation pour qu’une application soit remboursée :

  • 1er niveau : sécurité/efficacité. La solution DTx doit être reconnue comme un dispositif médical et prouver qu’elle répond à des exigences en termes d’efficacité et de sécurité pour les patients. Elle nécessite le marquage CE et d’autres certifications.
  • 2ème niveau : l’interopérabilité. Toutes les données récoltées par les solutions DTx doivent être interopérables. Les professionnels de santé doivent pouvoir accéder à ces données, les extraire de la plateforme, les mettre dans le dossier patient, le patient doit aussi pouvoir accéder à ses données. Quelques développements sont nécessaires et particuliers au système belge pour valider ce niveau deux.
  • 3ème niveau : Preuve de l’efficacité économique pour que la sécurité sociale accepte de rembourser la solution. Le gain apporté par la solution par rapport aux standards de soins doit être positif par rapport aux coûts qu’elle représente :
    • Le3(-)Étape pendant laquelle, pour démontrer le bénéfice de la solution, les études sont financées jusqu’à ce que les résultats de l’étude soient publiés.
    • Le3(+)Dernière étape, lorsque le prix de remboursement de la solution a été fixé à partir des résultats de l’étude.
      Actuellement, moveUP est à la phase 3 (-). L’étude, lancée fin 2020, devrait s’achever dans les prochains mois.

Quelles sont les obstacles que vous avez rencontrés ? Quels enseignements en tirez- vous ?

Je pense que le gros challenge pour les solutions DTx, c’est l’internationalisation car tous les pays sont différents. Aujourd’hui on a des patients en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en France ; il faut pouvoir adapter son business model et parfois même adapter les canaux de distribution et les canaux de vente à chaque pays. Très souvent, les pays veulent avoir des données cliniques locales.
Le second challenge est de convaincre le corps médical. Souvent conservateur, leur volonté de changer est généralement faible. Pourtant, les gains potentiels en changeant certaines pratiques sont considérables. Nous avons procédé à la création de filiales en France, en Belgique et aux Pays-Bas qui contractent directement avec les kinésithérapeutes. Ils peuvent suivre les patients et leur offrir un service de suivi de qualité. Engagés sous forme de contrat, ils s’engagent à utiliser la plateforme. Ce choix a constitué un élément déclencheur de réussite, le nombre d’utilisateurs a explosé. Les autres challenges concernent le Market Access, le financement et la commercialisation (s’assurer que la plateforme va être utilisée à bon escient sans trop impacter les pratiques des médecins).

Vous êtes partenaire du DTx France© ? Pourquoi cette démarche ? Qu’attendez-vous de la journée ?

Move up a démarré son activité en France il y a maintenant un an et demi et se développe fortement grâce aux partenariats avec des laboratoires, des sociétés de dispositifs médicaux, des pharmacies. Nous avons des projets en oncologie, en rééducation cardiaque, etc. Nous sommes aujourd’hui à la recherche de nouveaux partenaires qui souhaiteraient nous aider à développer des nouvelles thérapies digitales. Généralement, les laboratoires avec qui nous travaillons commercialisent une solution pharmacologique ou chirurgicale dont l’efficacité peut être augmentée en la couplant à un programme de rééducation, de suivi et d’engagement du patient.
Notre objectif en participant au DTx France© est de rencontrer les acteurs des DTx en France© et de potentiels futurs partenaires.

Pour en apprendre davantage sur le DTx France©, retrouvez toutes les informations sur notre site internet : www.dtxfrance.org

Propos recueillis par les équipes Techtomed

Propos recueillis par les équipes TechToMed

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