2020, l’année tremplin de la e-santé

Un bilan florissant pour une année inédite

En fin 2020, Opinion Way a réalisé une étude sur la santé de demain auprès de 2100 citoyens à l’occasion des Ateliers Citoyens du Numérique en Santé organisés par l’Agence du Numérique en Santé. Les résultats de cette enquête ont démontré l’engouement indéniable pour les nouvelles technologies en santé, engouement fortement accéléré par la crise sanitaire actuelle. En effet, près de la moitié des français sondés déclarent avoir eu recours à un nouvel outil de santé numérique pour la première fois pendant la crise sanitaire, et le bilan en ressort très positif puisque 88 % des sondés ont fait part de leur satisfaction quant à l’usage de ces outils pour la gestion de leur santé. De plus, contre 10 % de réfractaires, 51 % ont une vision positive du numérique en santé. Apparue à la fin des années 90, la e-santé, concept initialement mal défini et peu connu du grand public, est ainsi devenu un terme de plus en plus courant dans le vocabulaire de la santé et ce partout dans le monde, boosté par la crise COVID. En France, les chiffres records des investissements en e-santé de 2020 ont démontré que les entrepreneurs et investisseurs ont rapidement identifié cette tendance et ont su prendre le train en marche.

Les institutions publiques sont tout aussi impliquées que le privé, parmi les initiatives gouvernementales, nous pouvons évoquer la Mission French Tech, un mouvement lancé par l’état français pour soutenir et accompagner les jeunes entreprises françaises de l’écosystème des nouvelles technologies, avec l’objectif ambitieux de voir naître 25 licornes d’ici 2025. Dans le cadre de cette initiative, un programme d’accompagnement des scale-ups françaises a été mis en place : le French Tech Next40/120. Ce programme accompagne les 120 scale-ups françaises les plus prometteuses et parmi la promotion de 2021, nous retrouvons 21 jeunes pousses de la e-santé :

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Source : Publication LinkedIn de Jérôme LELEU, 09.02.2021

Parmi ces 21 start-ups, Doctolib et Bioserenity se démarquent davantage en rejoignant le programme French Tech Next 40 réunissant les 40 scale-ups d’une valeur estimée de plus d’un milliard de dollars, ayant réalisé des levées de fonds impressionnantes et présentant un chiffre d’affaires en perpétuelle hausse.

Les start-ups se multiplient et les investisseurs se bousculent

En effet, pendant que d’autres secteurs ont malheureusement fortement pâti de cette crise inédite, les levées de fonds des start-ups e-santé ont battu des records inattendus avec un total de 391 M€ levés par 48 start-ups en France uniquement, contre 27 start-ups et 227 M€ en 2018, soit une augmentation de 72 % de fonds et 78 % de start-ups en plus. Bpifrance, à elle seule, a investi dans 18 des start-ups sur les 48 concernées en 2020.

Même s’il est vrai qu’aucune de ces start-ups n’a surpassé la levée invraisemblable de Doctolib en 2019 de 150 M€, dans le top 5 des levées de fonds 2020 des start-ups françaises de e-santé, nous retrouvons notamment Withings qui a réussi à obtenir 53 M€ pour continuer à développer ses objets connectés, une deuxième jeunesse pour un pionnier de la e-santé passé dans les mains de Nokia en 2016 avant un rachat par l’un des co-fondateurs en 2018. Elle est suivie de près par Alan, l’AssurTech spécialisée en santé, avec ses 50 M€ levés. Robocath, une entreprise de moins de 40 salariés qui développe des robots pour assister les professionnels de santé lors des chirurgies cardiaques, a réussi quant à elle à lever 40 M€, soit autant que Medadom et ses bornes de télémédecine. Enfin, Owkin, société délivrant des solutions IA et machine learning au service de la R&D lors du développement de traitements médicamenteux a levé pas moins de 39 M€.

Source : TechToMed sur la base des données de Mind health, 08.02.2021

Quelles perspectives pour la e-santé dans les années à venir ?

Le virage du numérique en santé est donc bel et bien engagé ! Néanmoins, cette voie n’est pas sans challenges à relever bien au contraire.
Malgré les initiatives gouvernementales telles que la French Tech, les investissements d’accélération clinique et commerciale pour les start-ups déjà matures sont encore peu répandus, une des raisons pour lesquelles les start-ups santé se tournent vers des fonds étrangers, l’exemple de Doctolib le montre bien : en 2015, l’entreprise se tourne vers le fonds d’investissement américain Accel pour poursuivre sa croissance.
Mise à part les ressources matérielles, un autre défi auquel le monde du numérique en santé doit faire face aujourd’hui est celui de la disponibilité des ressources humaines nécessaires. En effet, comme mentionné plus haut, l’état français vise 25 licornes d’ici 2025 mais dispose-t-on des dirigeants adéquats pour ces futures licornes ? Ces équipes pionnières, novatrices et créatives sauront-elles réaliser la montée en échelle de pair avec leurs entreprises pour passer d’une vision « start-up » à court et moyen terme, à une vision stratégique et une dimension de haute gestion à plus long terme ?

Pour finir, l’un des plus grands et des plus importants défis à relever est celui du RGPD. En effet, la nouvelle réglementation européenne en vigueur concernant les données personnelles nécessite d’adapter les processus de gestion et de traitement des données personnelles des patients liées ou non à leur santé, non seulement pour des raisons de sécurité et de protection des données mais aussi afin d’optimiser ces processus pour une meilleure interopérabilité des systèmes d’informations. Le développement du secteur du numérique en santé dépend fortement de la capacité des acteurs publics et privés à surmonter ces défis dans les années à venir. L’espace numérique en santé (ENS) qui sera bientôt opérationnel et accessible en France, sujet traité dans l’un de nos articles de janvier 2021, est un exemple parlant de la collaboration entre institutions publiques et entreprises privées pour l’optimisation du traitement des données de patients et l’accélération du numérique en santé en France.

Une autre initiative publique significative en France est le Health Data Hub (HDH) lancé en fin 2019, la nouvelle plateforme française des données de santé. En janvier 2021, une annonce de collaboration avec la start-up Implicity a été faite. Tout comme l’ENS, le HDH s’ouvre donc aux partenariats avec les start-ups e-santé de France pour l’optimisation des parcours de soin. Cela étant dit, une nouvelle interrogation se pose alors : tandis que les services publics bénéficieront de compétences nouvelles indispensables pour upgrader le système de soin français, mais quels seront les bénéfices pour ces start-ups ?

Dans ce contexte de montée en puissance aussi fulgurante qu’impressionnante de la e-santé en France, les questions qui nous viennent à l’esprit et qui n’auront de réponses qu’à l’issue de la crise COVID-19 sont alors les suivantes : la e-santé va-t-elle être à la hauteur des attentes des citoyens et investisseurs ? Ou s’agit-il d’une conséquence passagère de la crise sanitaire actuelle ?

Sahar AZAMI HASSANI

Consultante HealthTech @TECHTOMED

sahar.azami-hassani@techtomed.com

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