Rétrospective 2021 : une année en e-santé

Dans une nouvelle année rythmée par la crise sanitaire, le numérique en santé a poursuivi sa croissance avec de nombreux investissements, la structure de la filière et l’émergence de nouveaux modes de partenariats. Tour d’horizon.

L’année 2021 a été très riche en actualités e-santé avec le déploiement de nombreuses solutions pour favoriser la prise en charge des patients, gérer les données de santé, optimiser le parcours de soin, ou accompagner la pratique des professionnels de santé. Il est difficile de traiter toutes les tendances observées mais voici un tour d’horizon des plus importantes.

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Des investissements sans précédent

Cette année 2021 aura été marquée par l’annonce de nombreux investissements pour structurer la filière e-santé en France. En premier lieu le Ségur du numérique en santé a débloqué 2 milliards d’euros d’investissement qui seront consacrés au numérique en santé : 1,4 milliards pour le partage des données de santé sur 3 ans, auxquels s’ajoutent 600 millions dédiés au secteur médico-social sur 5 ans.

Au mois d’octobre a été présentée la Stratégie d’accélération « Santé numérique » structurée en 5 axes nécessaires pour faire de la France un leader en santé numérique, qui suivent la ligne de vie d’un projet en santé numérique, depuis l’acquisition des compétences par la formation jusqu’au déploiement de solutions concrètes à grande échelle. Une enveloppe de 650 millions d’euros sera répartie pour accompagner le déploiement de ces 5 axes :

Source : Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance

Les actions qui composent chacun des axes de la stratégie ont pour objet de mettre en œuvre les leviers nécessaires pour appuyer la recherche, favoriser l’innovation et structurer un tissu d’entrepreneurs.
6 objectifs à atteindre :

  1. Consacrer 81M€, effort inédit, dans la formation de l’ensemble des acteurs de la filière santé numérique
  2. Investir dans la recherche avec un PEPR (Programmes et Equipements Prioritaires de Recherche) de 60M€ co-piloté par Inserm et Inria.
  3. Dédier 20M€ par an à l’appel à projets pour l’évaluation du bénéfice médical et/ou économique des dispositifs médicaux numériques ou à base d’intelligence artificielle.
  4. Créer 30 tiers lieux d’expérimentation d’ici 2025 pour un budget de 63M€.
  5. Investir 95M€ pour soutenir l’excellence de la filière de l’imagerie en France.
  6. Renforcer de 50M€ les aides à l’innovation ciblées sur les nouveaux usages numériques en santé.

Feuille de route du numérique en santé dans les temps

Malgré la crise sanitaire, la Délégation du Numérique en Santé, au sein du Ministère des solidarités et de la santé, a réussi à garder le cap et remplir les objectifs fixés par la feuille de route du numérique en santé. Des projets structurants ont été déployés et des phases pilotes amorcées.

Parmi les projets structurants on peut citer l’Identifiant National de Santé, Doctrine technique du numérique en santé, Répertoire opérationnel des ressources (ROR), Pro Santé Connect, Messagerie Sécurisée de Santé (MSSanté), expérimentation de la e-prescription, outils de coordination e-Parcours…

Source : Ministère des solidarités et de la santé

Du côté des pilotes, la carte vitale dématérialisée dite APCV, sous format d’application mobile, est en phase d’expérimentation avec une intégration des retours terrain pour un déploiement progressif d’ici 2022 sur l’ensemble du territoire. De son côté, Mon Espace Santé a été déployé au mois de septembre dans 3 départements (la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique et la Somme) avec 3,3 millions de comptes ouverts avant la généralisation au mois de janvier.

Émergence de nouveaux accélérateurs de l’innovation

La crise sanitaire a permis de casser les silos entre les acteurs de santé avec le déploiement de différentes coalitions pour apporter rapidement des solutions pour les soignants ou pour l’accompagnement des patients. Au cours de cette année 2021, nous avons vu émerger de nouveaux modèles de collaboration, alliant notamment le public et le privé, axés sur l’innovation.

À titre d’exemple, on peut citer IMPACT, un accélérateur d’innovation issu d’un partenariat public/privé innovant pour faire émerger des solutions qui ciblent des ruptures de parcours de soins en santé mentale. Il regroupe différents acteurs comme PariSanté Campus, la Fondation Université de Paris, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, France Biotech, l’Alliance pour la Recherche et l’Innovation des Industries de Santé, la Fédération Française de l’Assurance, AXA France, Janssen France, Otsuka, ou Eisai.

Autre exemple avec un partenariat public/privé novateur pour accélérer l’innovation et la recherche au bénéfice des patients dans le cancer : la Filière Intelligence Artificielle et Cancer (FIAC). Cette association « Filière Intelligence Artificielle et Cancer » se compose de 11 membres fondateurs : l’Institut national du cancer, le Health Data Hub, l’Alliance pour la Recherche et l’Innovation des Industries de Santé, France Biotech et 7 industriels de santé (Amgen, AstraZeneca, Janssen, MSD, Novartis, Pfizer, Pierre Fabre).

Future4care est également un nouvel accélérateur de l’innovation en santé, créé par Sanofi, Capgemini, Generali et Orange, dont l’ambition est le développement rapide de solutions e-santé ainsi que leur mise à disposition sur le marché, au bénéfice de tous, notamment des patients et des professionnels de santé. Il s’agit d’un écosystème d’open-innovation, dont l’objectif est d’accélérer le développement des startups, mais aussi, de créer un Institut proposant du contenu lié à la santé numérique et de délivrer un label de référence.

Essor de la télésanté

La télémédecine a connu un véritable essor avec la crise sanitaire, créant de nouveaux usages avec des modes d’interaction numériques entre patients et professionnels de santé.

Pour simplifier la compréhension de ces différents modes d’interaction, on a introduit en 2021 ce terme de télésanté qui permet via le numérique l’accès à distance d’un patient à un professionnel de santé ou à une équipe médicale.1

La télésanté regroupe l’ensemble des activités (soin, consultation, etc..) exercées entre des professionnels de santé et leurs patients grâce au numérique. Elle est composée de 2 domaines d’activités :

  1. La télémédecine pour les activités réalisées à distance par un professionnel médical (médecin, sage-femme, chirurgien-dentiste)
  2. Le télésoin pour les activités réalisées à distance par un professionnel paramédical ou par un pharmacien

Source : Ministère des solidarités et de la santé

Parmi les actes de télémédecine, la téléconsultation s’installe progressivement mais rencontre des difficultés à pérenniser des usages notamment en raison des contraintes du cadre de remboursement
De son côté, après une phase d’expérimentation avec le programme ETAPES, la télésurveillance va se déployer à grande échelle en 2022. En effet dans le cadre des accords du Ségur de la santé, le développement de la télésurveillance constitue un enjeu clé de la transformation du système de santé. Pour y parvenir, des mesures fortes prendront effet prochainement :

  • La détermination du périmètre et du financement de la télésurveillance dans le droit commun
  • La définition de la rémunération des professionnels qui la pratiquent dans le cadre de la convention médicale.

 Les GAFAM (ou GAMAM) de plus en plus présents en santé

Les grandes entreprises américaines du numérique, les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), déjà bien implantés en Europe, investissent de plus en plus dans le secteur de la santé.

Ces grands pure players américains ont pris conscience du potentiel du marché de la santé, qui constitue une sorte de valeur refuge, car moins soumis aux effets de cycles observés dans d’autres secteurs et avec un potentiel croissant dû au vieillissement de la population et la multiplication des maladies chroniques.
L’objectif de ces entreprises est d’apporter leurs expertises, notamment en termes de développement technologique à grande échelle ou d’expérience utilisateur, dans le secteur de la santé. Évidemment cet investissement dans la santé permet à ces entreprises d’acquérir des données ciblées sur les consommateurs, sur leur pratique quotidienne, pour commercialiser des solutions répondant aux attentes et usages.

Cette année 2021 a marqué une accélération des investissements en santé de ces acteurs. Le plus actif a sans doute été Amazon qui cette année a déployé Amazon HealthLake une plateforme cloud dédiée aux acteurs de santé pour améliorer le traitement des données médicales, ouvert son service de téléconsultation médicale Amazon Care à toutes les entreprises aux Etats-Unis ou poursuivi le lancement de Amazon Pharmacy pour devenir le leader mondial de la e-pharmacie.
De son côté Apple continue à faire de la santé une priorité comme le démontre la récente nomination au sein de son conseil d’administration du PDG de Johnson & Johnson. Parmi les initiatives, on peut citer de nouvelles fonctionnalités santé pour l’Apple watch, l’analyse de la fréquence respiratoire via les AirPods ou le déploiement du carnet de santé mobile Health Records.

Déjà très présent dans la santé depuis de nombreuses années via sa filiale Verily, Alphabet (Google) va plus loin avec le lancement d’une société dédiée à la découverte de médicaments par intelligence artificielle et baptisée Isomorphic Labs. Parmi les projets santé annoncé en 2021 on peut citer Derm Assist, une application d’intelligence artificielle pour identifier les problèmes de peau, la mesure des battements du cœur via la caméra des smartphones Pixel ou la finalisation de l’acquisition de Fitbit.

Pour en savoir plus plus sur les GAFAM en santé, n’hésitez pas à consulter notre article « GAFAM : futurs géants de la e-santé, mythe ou réalité ? ».

Début d’un phénomène de concentration ?

On a observé au cours de cette années de nombreux partenariats, acquisitions et prise de participation qui tendent à penser à l’émergence d’un phénomène de concentration du secteur. Le secteur de l’innovation en santé entre dans une phase de maturité qui peut expliquer cette tendance grandissante. A voir si cette tendance se confirmera en 2022.

Parmi les acquisitions marquantes, on peut citer Philips qui a racheté le spécialiste de l’intelligence artificielle en cardiologie Cardiologs. Cette acquisition a pour objectif de renforcer la présence de Philips en santé et d’accélérer le déploiement à l’international de Cardiologs.

Sanofi de son côté a lancé une nouvelle tendance à suivre dans l’industrie pharmaceutique : la prise de participation dans des start up. Le laboratoire Français a notamment pris des parts au sein de la start up spécialisé dans le machine learning et les médicaments Owkin. Un investissement de 180 millions de dollars qui fait d’Owkin une nouvelle licorne en e-santé.

De grandes levées de fonds

Le financement est un impératif pour un entrepreneur qui souhaite accélérer le développement de sa start up. Pour pérenniser leur modèle et poursuivre leur déploiement, les start-up e-santé se tournent vers des fonds d’investissement ou business angels pour obtenir des levées de fonds.

Les start-up e-santé en France sont de plus en plus attractives auprès des investisseurs. Depuis 2020, c’est plus de 600 millions d’euros qui ont été levés.
Ces levées de fonds accompagnent le développement d’une start up que cela soit au démarrage, pour structurer la technologie, développer de nouvelles solutions ou accélérer le déploiement à l’international. Elles permettent notamment d’investir dans la recherche et développement, la communication et le marketing des solutions…

Parmi les levées de fonds les plus marquantes, on peut citer DentalMonitoring (150 millions), DNA Script (142 millions), TreeFrog Therapeutics (64 millions), Withings (53 millions), Lifen (50 millions), Alan (50 millions) ou Hublo (22 millions).

En dehors de ces grandes levées de fonds, on observe également une multitude de plus petites levées de fonds qui permettent de structurer l’écosystème de la e-santé en France : Tilak Healthcare (7 millions), Nouveal e-santé (3 millions), i-Virtual (2,5 millions), Pixyl (2,2 millions), MyC (2 millions), Joovence (1,7 millions) ou Prev&Care (1 million)

L’année en e-santé a également été marquée par de nombreux autres sujets : déploiement des thérapies digitales, enjeu de la cybersécurité, omniprésence de l’intelligence artificielle, intégration des jumeaux numériques en R&D, essor du chirurgien augmenté… De nombreuses évolutions et tendances à suivre tout au long de 2022 !

Rémy Teston

Expert e-santé

Buzz E-santé

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