Techtomed et Pharmaceutiques ont organisé le 16 septembre dernier une nouvelle édition de Pharma HealthTech, l’évènement consacré à l’impact du numérique dans l’industrie pharmaceutique. Retour sur cette édition 100% digitale : première partie.
Dans un monde incertain, marqué par l’emprise de l’épidémie, la Pharma accélère ses mutations technologiques. Partenariats inédits, démultiplication des projets de R&D, intégration systématique de l’innovation numérique, exploitation massive de la Data… en 18 mois, un pas de géant a été franchi dans la maturation des nouvelles solutions de santé.
Pour cette 3ème édition, Pharma HealthTech, organisé par Pharmaceutiques et Techtomed, s’est attaché à analyser de façon concrète les impacts du progrès technologique sur les usages et sur les pratiques en santé. Cet évènement, destiné aux acteurs et partenaires de l’industrie pharmaceutique, était placé sous le thème « 2021 : le nouvel agenda technologique de la Pharma ».
Tout au long de la matinée, Keynotes, ateliers et table-rondes se sont succédé avec l’intervention d’acteurs de l’industrie pharmaceutiques, de start up, patients et spécialistes de l’innovation technologique.
Une keynote introductive pour mesurer l’impact technologique
Pour lancer cette nouvelle édition, Etienne Grasse, de Capgemini Invent, a apporté sa vision sur l’impact technologique au sein de notre société avec une session « Inspiration sur l’apport des technologies dans notre société ». Il est notamment revenu sur l’impact post covid de la technologie, les progrès et bénéfices.
A retenir :
- L’idée qu’il faut transformer les chaînes de valeurs dans le domaine de l’innovation en santé, présente avant la crise, s’est accélérée
- Les cycles d’innovation traditionnels dans l’industrie, avec des time to market long, ne sont pas adaptés à l’innovation numérique
- Un des premiers éléments à retenir de la crise est qu’on s’est rappelé que notre système de santé était un système. Comme tout système, il est complexe et doit être modélisé pour suivre son évolution et repenser le fonctionnement.
- Le deuxième point à retenir est que les études en vie réelle sont devenues la clé de l’innovation. Il est nécessaire de trouver de nouveaux modèles de partage des données dans des partenariats public/privé
- La troisième chose est la place centrale de l’evidence based medicine, basée sur des études en vie réelle, pour repositionner des médicaments existants dans des délais très courts ou de nouvelle approche basée sur l’intelligence artificielle.
- Les cycles d’innovation ne sont plus des cycles industriels au sens propre mais des cycles technologiques qui viennent au cœur de l’innovation en santé. Il existe des boucles courtes de services au-dessus des produits : on parle de sprint de développement de 3 à 4 mois et non de 6 ans comme pour un produit
- Pour réussir dans ces cycles d’innovation, il faut quelques ingrédients : construire un catalogue de données, développer des capacités dans le traitement de ces données (usine digitale), diffuser dans son organisation une culture du test & learn et travailler avec un ecosystème
- La révolution du patient est omniprésente : créer de la confiance et développer l’intelligence collective massifiée des patients
Des ateliers pour comprendre via des études et cas concrets
Au cours de cette édition, Pharma HealthTech a proposé des cas concrets pour illustrer cette mutation digitale qui impacte l’industrie pharmaceutique et l’ensemble des acteurs de santé.
Un premier atelier a permis de décrypter les usages digitaux des professionnels de santé, et plus spécialement des médecins généralistes, au travers de l’étude Digital Doctor 2021 d’Ipsos Healthcare, présentée par Yves Morvan et Nissrine Erraji.
A retenir :
- La crise sanitaire a favorisé le décollage de la télémédecine : x54 de consultations médicales à distance. En 2021 50% des médecins généralistes l’utilisent au quotidien.
- La santé connectée est également une réalité pour les soignants interrogés et 81% déclarent que leur rôle va évoluer avec l’émergence de l’intelligence artificielle (+18% vs avant covid).
- Les médecins généralistes ont des attentes fortes sur le digital notamment pour améliorer la prise en charge des patients mais aussi un certain nombre de craintes : problème d’empathie en consultation à distance, augmentation du temps des consultations, auto-diagnostic des patients…
- Ils expriment un vrai besoin de formation pour intégrer le digital dans leur pratique. 60% disent que la formation est importante dans leur prise de décision pour proposer de la télémédecine aujourd’hui et dans le futur.
- Les réseaux sociaux entre aussi peu à peu dans la pratique médicale, notamment chez les plus jeunes médecins : 35% des moins de 40 ans utilisent du contenu sur les réseaux sociaux publié par les KOLs.
- Ils sont de plus en plus exigeants par rapport aux contenus et services mis à disposition par l’industrie pharmaceutique : ils demandent de la proactivité
- Aujourd’hui le médecin généraliste fait face à une multiplication de modes d’interactions qu’ils soient physiques (visite médicale, congrès/événements, réunions professionnelles…) ou digitaux (site web, email, webinar, VM à distance, réseaux sociaux…). Il faut donc trouver un bon mix pour interagir avec eux
- En conclusion, pour Yves Morvan « on s’achemine faire une nouvelle ère qui passe de la notion d’arsenal thérapeutique à celle d’arsenal médiatique » avec la multiplication des points d’interactions.
Un second atelier animé par Karl Neuberger et Raphael Vine de Quantmetry a permis de présenter des cas d’usages de data science et d’intelligence artificielle via des projets menés au cours des derniers mois.
A retenir :
- Les cas d’usages de l’intelligence artificielle en santé sont nombreux depuis la R&D jusqu’au suivi du patient en vie réelle : clustering de patient, définition de nouveaux biomarqueurs, facteurs prédictifs, diagnostic augmenté…
- L’algorithme ne remplace pas le médecin mais apporte un gain de temps précieux avec des résultats quasi immédiat qui apporte énormément de valeur au patient.
- Présentation de 3 cas d’usage concrets d’utilisation de l’IA en santé pour mieux comprendre la maladie et améliorer l’efficacité des parcours de soins
- HAKKEN (Amgen / CHU Toulouse) : production et analyse de courbes de survie en fonction des séquences de traitements suivis dans le cadre du myélome multiple
- Résultats : meilleure compréhension des délais de rechute et des courbes de survie en fonction des séquences de traitement suivies, et de l’éligibilité à une greffe
- ONCONUM (CHU Strasbourg) : structuration d’une base de données patients et développement d’un outil d’analyse statistiques permettant de mener de nouvelles études pour une meilleure compréhension du cancer du sein
- Résultats : une dizaine d’études menées autour de la décision thérapeutique, de l’incidence chez les patients diabétiques, du dépistage organisé…
- INNERVE (CHU Bicêtre / Health Data Hub) : outil d’aide au diagnostic de la neuropathie des petites fibres grâce à l’analyse avancée d’images 3D-Scan colorisées et labelisées
- Résultats : des résultats encourageants pour accélérer de manière importante la phase de diagnostic, une quantification de haute qualité de la densité des fibres nerveuses intra-épidermales et un taux de précision de 80%
- Il existe un certain nombre de challenges ou de freins aujourd’hui à la mise en œuvre de projets IA en santé : identification des bonnes données et de leur qualité, accès aux données, choix de la technique, rendre intelligibles et explicables les résultats
Des table-rondes pour décrypter les enjeux
La matinée a été également rythmée par deux table-rondes pour comprendre les mutations technologiques qui impactent le monde de la santé et l’industrie pharmaceutique.
Un premier sujet « HealthTech : plus rien n’est impossible » a été animé par Hervé Requillart (Pharmaceutiques), avec la participation de Franck Mouthon (France Biotech), Amandine Jacques (Coalition Next / Takeda), Sophie Bouju (Janssen) et Franck Le Ouay (Lifen).
Morceaux choisis :
- Des coalitions regroupant associations de patients, centre hospitaliers, industriels, start up… se sont mis en place comme la Coalition Next « qui s’est regroupé au moment de la crise pour trouver des solutions digitales pour faciliter le parcours de soins au sein des hôpitaux » indique Amandine Jacques
- Pour Franck Mouthon, la crise sanitaire à briser les silos existants entre les acteurs. « Des initiatives public/privé ont pu se mettre en place dans cette période compliquée, comment les pérenniser ? On n’est pas en retard sur le plan technique, le gros sujet va être le modèle d’affaires. »
- Sur ce sujet du Business Model, Amandine Jacques indique que « si on est plusieurs à soutenir une solution digitale, il y a plus de chances de la pérenniser. Mais le business model ne peut reposer sur le seul soutien de l’industrie pharmaceutique. »
- La télésurveillance a montré tut son potentiel mais reste encore en France à l’état expérimental, montrant la difficulté du système à s’adapter à l’accélération de l’innovation.
- « Avec la crise sanitaire et l’émergence de solution comme Covidom, les Français ont compris que le numérique n’était pas un gadget en santé et que le digital serait omniprésent dans le soin désormais » souligne Franck Le Ouay.
- « L’approche technologique s’est immiscée dans tous nos métiers. L’intégration de l’intelligence artificielle dans nos programmes de recherche apporte des résultats probants tout comme l’utilisation de modèle in silico qui permet de prédire l’efficacité d’une molécule sur une population virtuelle » indique Sophie Bouju.
- « Au-delà des idées, c’est la réalisation qui est primordiale pour que les solutions développées rentrent dans les usages » insiste Franck Le Ouay.
- Sur le sujet de l’évaluation des solutions digitales, il faut simplifier les process en place. « Un souhait serait mettre en place des ATU pour les solutions numériques » selon Franck Mouthon.
La seconde table-ronde était consacrée aux enjeux de la donnée sur le thème « RW Data : la révolution pour l’accès au marché ».
Une table-ronde animée par Romain Finas (Alira Health), avec la participation de Ingrid Dufour Bonami (Bayer), Alexandre Templier (Quinten), Francois-Guirec Champoiseau (Cureety) et Caroline Henri (Phase4).
A retenir :
- La technologie nous permet aujourd’hui de consolider énormément d’informations utiles pour la recherche et générer de nombreuses données exploitables tout au long du cycle du produit.
- L’open data favorise l’émergence de projets initiés par la pharma comme le souligne Ingrid Dufour Bonami : « En tant que filiale, nous sommes très bien positionnés pour l’initiation de projets autour de la donnée sur le territoire français, notamment grâce au Health Data Hub.»
- La donnée patient est essentielle car « la donnée disponible est une donnée d’efficacité basé sur des preuves cliniques factuels. Tous les acteurs de santé se tournent vers la donnée en vie réelle pour aller plus loin sur les comportements, la symptomatologie et les conditions de la qualité de vie » précise Francois-Guirec Champoiseau.
- Concernant la qualité des bases de données en France « il y a déjà une méconnaissance de la richesse contenue dans ces bases de données. Ensuite la qualité se mesure aussi par rapport à l’objectif, ce que l’on veut faire des données. La qualité se mesure à la capacité d’agréger toutes les sources à disposition » selon Alexandre Templier.
- On observe l’émergence de nombreux entrepôts de données initiés notamment par des hôpitaux. Pour Alexandre Templier, il s’agit « d’avoir une collecte structurée des données qui peuvent être partagées entre les établissements. Il y a une évolution des mentalités à opérer pour sortir de la souveraineté de l’hôpital pour partager les données dans des bases nationales. »
- La réglementation évolue autour de la donnée. « Il est nécessaire de se tourner vers l’Europe qui s’est saisie du sujet de la protection de la donnée, de la souveraineté pour faire de l’Europe une place forte sur la gestion des données. Les institutions doivent se transformer pour être agile pour répondre aux besoins. Le cadre réglementaire est nécessaire mais doit s’accompagner de confiance pour accélérer le processus » souligne Caroline Henri.
- Il est nécessaire d’anticiper les prochaines évolutions indique Alexandre Templier : « Il est nécessaire d’aller aujourd’hui vers des modèles de référence pour faciliter l’accès à la donnée. Sur l’histoire naturelle des maladies, au-delà des bases de données, les modèles de référence seront incontournables dès 2024 : c’est aujourd’hui qu’il faut s’y préparer.»
- La France dispose de nombreuses bases de données. L’enjeu est de les enrichir pour répondre aux besoins des acteurs de santé
Pharma HealthTech en chiffres clés
Vous retrouverez prochainement le replay de l’intégralité des interventions de Pharma HealthTech.
Retour sur les sessions de l’après-midi dans un prochain article. Restez connectés !
Rémy Teston
Expert e-santé
Buzz E-santé