Le 13 mars 2017 s’est déroulé notre 7e Café HealthTech consacré à Diabeloop et sa révolution dans le diabète. Retour sur ce petit-déjeuner conférence animé de débats et d’échanges.
Le diabète touche aujourd’hui 3,7 millions de personnes en France dont 10% atteints de diabète de type 1*. La start up Diabeloop révolutionne la prise en charge de ces patients. Pour mieux comprendre la prise en charge du diabète de type 1 et les solutions digitales afférentes, Marc Julien, CEO de Diabeloop était l’invité de ce 2ème Café Health Tech de 2019.
Diabète de type 1 : une gestion quotidienne contraignante pour les patients
Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune, où le pancréas devient incapable de produire l’insuline nécessaire pour réguler le taux de glucose dans le sang. Ce type de diabète, anciennement appelé « diabète insulino-dépendant (DID) » ou « diabète juvénile » se développe le plus souvent pendant l’enfance ou l’adolescence, mais peut aussi survenir chez l’adulte.
« Être diabétique de type 1 ne veut pas dire que l’on n’a pas une vie active mais au cours d’une journée (jour et nuit) on se demande 30 à 50 fois où en est sa glycémie . Cela veut dire que le patient diabétique de type 1 à une charge mentale qui est continue, constante de savoir où il en est dans sa maladie » indique Marc Julien. « Ce qui est terrible avec cette maladie du diabète, c’est que vous êtes tout le temps dans un équilibre entre confort de vie et l’équilibre de la pathologie. Par exemple, certains patients nous ont déclaré mettre leur réveil plusieurs fois par nuit pour procéder à leurs injections d’insuline » poursuit-il.
La gestion au quotidien entre hypoglycémie et hyperglycémie est contraignante pour le patient diabétique de type 1 mais indispensable pour éviter une aggravation de la maladie. Comme l’a rappelé Marc Julien, « le diabète est en France la 1ère cause d’amputation, de cécité, de problèmes cardiaques ou neuropathiques. »
Les nouvelles technologies apportent de véritables solutions pour accompagner ces patients dans la gestion quotidienne du diabète. « Oon observe des avancées technologiques incroyables. On est passé des seringues aux stylos, des stylos aux pompes puis nous avons maintenant des pompes de petits formats et des capteurs pour contrôler plus ou moins en continue le niveau de glycémie » souligne Marc Julien.
Genèse du « pancréas artificiel » et de Diabeloop
Toutes les avancées technologiques apportent de l’aide au patient dans le suivi et la gestion de sa glycémie, mais ne prennent pas en charge l’accompagnement mental.
« En 2011, de nombreux chercheurs se sont intéressés à l’utilisation de ces objets connectés. En France le Docteur Charpentier au sein du CERITD, centre de recherche à Evry, a cherché des solutions pour pouvoir prendre en charge à distance des patients éloignés. Il s’est lancé dans le développement d’outils technologiques. La première solution développée a été Diabeo, qui conseille la dose d’insuline à s’ingérer en fonction des données renseignées. Ensuite il a souhaité aller plus loin en développant un système automatisé. Il s’est appuyé sur l’expertise technologique du CEA pour mettre au point un projet de pancréas artificiel. Une rencontre entre l’ingéniosité médicale et l’ingéniosité technologique. C’est le génie français par excellence : on met les meilleurs médecins, on met les meilleures technologies et on donne les moyens à cette équipe de développer la solution » indique Marc Julien.
Au bout de 4 ans, ils ont développé un POC académique qui fonctionne très bien avec un algorithme fonctionnel. Se pose alors la question de l’utilisation de cette solution et donc la commercialisation. « En 2015, la société Diabeloop est créée, en s’appuyant sur tous les travaux de recherche qui avaient été fait pour développer l’algorithme et la solution en respectant la réglementation avec comme objectif d’obtenir un marquage CE classe 2B. En 2016 les premiers essais cliniques sont lancés en hôpital » indique Marc Julien.
Diabeloop obtient alors des financements via une levée de fonds et de l’investissement public. Les premiers résultats des essais cliniques sont prometteurs et donnent lieu à quelques publications. « Les résultats étaient prometteurs et l’avancée plus rapide que d’autres équipes de recherche car nous avons développé la solution avec le patient au centre. Nous avons demandé aux patients quels interfaces ils voulaient, quelles fonctionnalités ils souhaitaient, et aux médecins comment ils traitaient les patients. Notre algorithme DBLG1TM permet d’adapter l’outil à chaque patient et chaque contexte » souligne Marc Julien.
« Les bons résultats obtenus ont permis à l’ANSM d’autoriser la mise en place d’étude clinique en vie réelle sur 3 mois auprès de 68 patients en autonomie complète. Les premiers résultats ont été présentés au congrès international du diabète l’ADA avec une belle exposition auprès de toute la diabétologie mondiale. Ces résultats nous ont surtout permis de déposer un dossier de marquage CE obtenu en novembre 2018. »
Ce marquage CE a permis à Diabeloop de lancer une nouvelle levée de fonds avec comme objectif la poursuite des recherches autour de l’automatisation de la technologie et la commercialisation en Europe et Etats-Unis. Lors du CES à las Vegas, le DBLG1TM System de Diabeloop a été mis en avant comme un exemple de réussite française. Après un prix reçu en 2018, Diabeloop a présenté une version spécifique pour enfant de sa solution lors de l’édition 2019.
Regard sur l’accès à l’innovation en France
Marc Julien nous a livré son regard sur l’accès à l’innovation en France. Selon lui il n’y a pas de problème de financement lors du lancement des solutions, on bénéficie en France d’un bon accompagnement au démarrage.
La question réglementaire n’est pas un frein en Europe selon Marc Julien mais une chance. « Le réglementaire pour moi c’est le réglementaire pour mes concurrents. Le respect de la réglementation est normal et nécessaire pour encadrer la commercialisation de ce type de système automatisé. Ça protège les patients et ça protège les industriels ».
Selon lui, le vrai sujet en France et en Europe ne porte pas sur le financement mais sur l’accès au marché. « Le véritable enjeu en Europe par rapport aux Etats-Unis c’est l’accès à la démonstration du business. Aux Etats-Unis il faut compter 4 à 6 mois post approbation par la FDA pour être commercialisé, en France, on doit passer la HAS, le payeur et cela peut durer plusieurs années. La solution a le temps de mourir avant d’être commercialisable. Le message qu’on porte, notamment à France Biotech, c’est donnez-nous la capacité de rapidement aller sur le marché pour démontrer que nos systèmes fonctionnent » ajoute Marc Julien.
Ce qui n’est toujours pas pris en compte dans ces évaluations, c’est l’impact sur la vie du patient au-delà de la révolution technologique, freinant ainsi la mise sur le marché. Diabeloop une réussite française qui démontre que malgré un cadre réglementaire contraignant il est possible de développer des solutions complètes au service des patients.
* Santé Publique France, 27-28, novembre 2017
Rémy Teston
Expert e-santé
Buzz E-santé