Le 22 janvier dernier s’est déroulé notre 11e Café HealthTech consacré au Plan Numérique en Santé avec l’intervention de Laura Létourneau, Déléguée ministérielle du numérique en santé. Retour sur ce petit-déjeuner conférence animé de débats et d’échanges.
La feuille de route du numérique en santé a été présentée en avril 2019 par la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, accompagnée de Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du Numérique.
Depuis cette annonce, les chantiers sur les cinq grandes orientations de la politique du numérique en santé dans le cadre de la stratégie Ma santé 2022 ont été lancés sous la responsabilité de la nouvelle Délégation ministérielle du numérique en santé (DNS).
Cette délégation pilote la feuille de route du numérique en santé, coordonne les acteurs, effectue les arbitrages sur la doctrine technique, et pilote la mise en œuvre de la feuille de route au niveau national et région. Le chantier numérique est co-piloté par Dominique Pon, Responsable ministériel du numérique en santé et Laura Létourneau, Déléguée ministérielle du numérique en santé qui nous a présenté un premier bilan.
Un diagnostic juste et cohérent
Avant tout plan d’action, le diagnostic et constat de l’écosystème en place s’imposait. Laura Létourneau nous a décrit sa surprise à la découverte de l’écosystème complexe du numérique en santé à son arrivée : « Plein de gens passionnés sur le terrain, des fonctionnaires avec l’intérêt général cheville au corps mais collectivement on n’est pas au niveau. Pourquoi ? Tout le monde est un peu responsable. Un nombre très important d’acteurs publics : DGOS, DGCS, DGS, DSS, ANS, ANAP, ATIH, Assurance maladie, HAS en ajoutant les 17 ARS, leurs GRADeS, les CPAM… qui rend la coordination intrinsèquement difficile. Les pouvoirs publics n’ont pas suffisamment fixé une vision, des valeurs et une feuille de route claire pour coordonner tous ces acteurs. Les industriels de leur côté, faute aussi de ne pas avoir une vision et feuille de route claire, ne respectent pas toujours ce qu’ils devraient respecter et ne se focalisent pas toujours suffisamment sur la valeur ajoutée métier.
Côté professionnels de santé, faute d’avoir des outils ergonomiques, adaptés pour gagner du temps médical, on observe souvent une aversion au numérique » poursuit-elle.
Selon Laura Létourneau, « le numérique est aujourd’hui un outil indispensable pour transformer notre système de santé et sauvegarder le modèle de solidarité. » L’ambition reste simple : « Faire. La clé est la mise en œuvre et une mise en œuvre rapide parce que nous sommes en retard. »
Un premier bilan de la feuille de route
Pour mener cette feuille de route efficacement et partir sur de bonnes bases, il a fallu se poser les bonnes questions et répondre de manière simple : « Fixer le pourquoi ? le quoi ? et le comment ? était les priorités de l’année 2019. Sur le comment, il a été acté qu’il fallait un chef d’orchestre pour coordonner, organiser tous les acteurs. C’est le rôle de la Délégation ministérielle du Numérique en Santé, rattachée directement à Agnès Buzyn pour avoir le poids politique suffisant pour coordonner tous les acteurs. Cette DNS s’appuie sur un bras armé opérationnel : l’Agence du Numérique en Santé (ex Asip Santé) »
« On a cherché à instituer un mode de gouvernance inversée via le Conseil du Numérique en Santé, qui a lieu tous les 6 mois. C’est une instance ouverte à tous pour faire émerger des consensus, arbitrer si nécessaire et être en support dans la mise en œuvre de ce qui est demandé par l’écosystème. On écoute et on rend des comptes sur tout ce qui a été fait » indique-t-elle.
Une des priorités a également été de rencontrer les acteurs de terrain à travers la France. « L’objectif en 2019 a également été de renouer, retisser un lien beaucoup plus fort avec les régions en rencontrant des personnes de terrain : professionnels de santé, patient, industriels, citoyens. Un tour de France de la e-santé a été lancé début décembre et terminera début février à Lyon : on dialogue avec l’écosystème, on présente la feuille de route, on adapte notre stratégie en fonction des retours, on écoute tout ce qui se fait de bien sur le terrain et on garde les bonnes idées en cherchant à les mutualiser d’une région à une autre. » poursuit Laura Létourneau.
« Le citoyen doit être inclut en amont dans toutes les décisions que l’on prend. C’est pour cela que des ateliers citoyens ont été mis en place. 5 ont déjà eu lieu autour de l’éthique des données de santé, de l’Espace Numérique de Santé ou du handicap. On cherche à impliquer directement les citoyens via ce type de format d’événements » indique-t-elle.
Concernant la feuille de route, « On a cherché à instituer la logique de l’État plateforme. Ce n’est pas un concept abstrait mais un mode de gouvernance très concret qui existe déjà dans les villes avec une juste répartition des rôles entre le public et le privé. »
Pour en simplifier la compréhension, la feuille de route a été assimiler à une maison. « Au socle de cette maison on trouve des référentiels comme fondation. Sans ce socle rien ne peut fonctionner. Il y a 3 piliers : l’éthique, la sécurité et l’interopérabilité. Le pilier éthique va traduire concrètement les valeurs que l’on défend : un numérique éthique et humaniste. Au-dessus nous avons les services socles : MSSanté, DMP, e-Prescription, outils de coordination. On arrive ensuite à 3 grandes plateformes numériques : l’Espace Numérique de Santé, le bouquet de services pour les professionnels de santé et le Health Data Hub. »
Consultez l’état d’avancement de la feuille de route
Un des projets majeurs et central de cette feuille de route est la mise en d’un Espace Numérique de Santé qui pour Laura Létourneau « est le projet totem du plan MaSanté2022 : il vise vraiment à redonner les clés du camion au citoyen, à faire du citoyen un acteur de sa santé et tire les autres sujets (notamment ceux des fondations de la maison). Il s’agit d’une infrastructure, d’un contenant que l’on peut assimiler à un magasin d’applications qui référence toutes les applications, du public ou du privé, à condition de respecter les règles des référentiels socle et de se raccorder à l’un des services proposés : DMP, agenda partagé qui consolide tous les rendez-vous médicaux du citoyen et une messagerie sécurisée de l’usager pour échanger avec les professionnels de santé ».
De son côté, « le bouquet de services est le miroir de l’espace numérique de santé pour les professionnels de santé : un magasin d’applications qui a pour objectif de faire connaitre les services qui existent et de pouvoir naviguer de façon fluide entre tous les outils que le professionnel de santé utilise au quotidien. »
Enfin, « le Health Data Hub est la plateforme nationale des données de santé qui va collecter les données structurées qui viennent des logiciels métier pour faciliter l’accès à des données de santé à des fins de prévention, de soin et favoriser l’innovation autour du big data, du machine learning, de l’intelligence artificielle. »
Au-dessus de cette maison sont matérialisés des nuages. « Au-delà des infrastructures, notre rôle est de dynamiser l’écosystème, avec des financements, un appui à l’innovation afin de créer des services à valeur ajoutée métier. Un lab e-santé se positionnera comme un méta-lab pour fédérer les initiatives et essayer de répondre aux 3 grands problèmes qui se posent : s’y retrouver dans les règles à respecter, quel est mon business model et comment tester, expérimenter ma solution. »
En conclusion Laura Létourneau se montre optimiste dans le déploiement de cette feuille de route en raison « de la maturité de l’écosystème, de l’alignement des planètes au niveau politique, de la volonté des acteurs publics de se coordonner, d’un engouement des professionnels de santé et des citoyens. Il y a une réelle responsabilité collective pour faire avancer la e-santé en France. »
Ce Plan Numérique en Santé se base sur un diagnostic cohérent et une feuille de route pertinente par rapport aux enjeux du secteur de la santé. La volonté de rassembler l’ensemble des acteurs avec une infrastructure et des référentiels communs va dans le bon sens. Le plus dur est à venir avec la mise en œuvre…
Rémy Teston
Expert
Buzz E-santé