Temps fort du combat contre la maladie, la semaine nationale de lutte contre le cancer se déroule du 14 au 20 mars. Elle représente une occasion unique de se mobiliser et de mettre en avant des projets innovants ayant pour but d’accélérer la recherche et d’optimiser la prise en charge des patients.
En 2020, 19 millions de personnes ont été diagnostiquées d’un cancer à travers le monde.1
À l’origine de cette maladie, une succession d’altérations génétiques qui s’accumulent dans une cellule. Celle-ci acquière alors de nouvelles propriétés et se multiplie de manière anormale créant ce qu’on appelle une tumeur maligne.
Tous les tissus et organes du corps peuvent être atteints. En France, les organes les plus fréquemment touchés par le cancer sont la prostate, les seins, les poumons et le colon.2
Les altérations génétiques à l’origine de cette multiplication anarchique des cellules peuvent être causées aussi bien par des facteurs génétiques qu’environnementaux (rayons UV, tabac, alimentation…)
Pour vaincre cette maladie, un problème majeur persiste : on ne parle pas d’UN cancer mais bien DES cancers ! En effet, la grande hétérogénéité de la maladie implique l’existence d’autant de diagnostics et de traitements différents.
Quelle place pour la data et l’IA dans le domaine de la santé ?
L’intelligence artificielle, communément appelée IA, est une véritable science mettant en œuvre un ensemble de théories et de techniques afin de mimer l’intelligence humaine. L’objectif est de faire effectuer, à une machine, des tâches que l’homme accomplit en utilisant son intelligence.3
Auparavant nommée « informatique heuristique » (du grec heurisko, qui veut dire « trouver »), elle voit le jour dans les années 1950 suite aux travaux réalisés par Alan Turing durant la Seconde Guerre Mondiale. Ce britannique sera donc le premier à apporter aux machines une forme d’intelligence !
Photographie d’Alan Turing
(Source : France Culture)
Il faudra ensuite attendre le développement du numérique et l’essor de la data pour observer les progrès de l’IA.
Aussi, ces données en quantités massives, sont elles-mêmes dépendantes des technologies numériques pour leur analyse : ces données brutes ne présentent que peu d’intérêt. En effet, le cerveau humain n’est pas capable de faire des liens entre toutes les données disponibles et c’est là qu’intervient l’intelligence artificielle.
D’abord utilisée pour effectuer des tâches simples et répétitives, sans grande valeur ajoutée humaine, l’IA sert aujourd’hui à la réalisation de tâches complexes et chronophages.
L’IA ouvre de nombreuses perspectives en santé : mieux détecter les symptômes, diagnostiquer la maladie, prédire le développement de la maladie et la réponse aux traitements, proposer des traitements plus personnalisés, accélérer la recherche…
Elle est un moyen d’accompagner l’Homme dans ses pratiques et surtout, de gagner en efficacité.
L’IA pour accélérer la recherche et l’innovation
La data est l’essence même de la recherche et comme nous l’avons dit précédemment, elle est intimement liée à l’IA qui permet son analyse de manière rapide et précise pour créer de nouvelles connaissances. L’IA accélère toutes les étapes de la recherche : design des tests cliniques, recrutement des patients, pharmacovigilance…
Dans le cadre du recrutement des patients pour les essais cliniques, par exemple, l’IA permet de structurer les données issues des patients pour sélectionner les patients sur certains critères.4
L’IA permet aussi d’accélérer la découverte de nouvelles entités thérapeutiques à développer. La société Owkin construit des algorithmes qui interprètent les données de façon transversale pour mettre en exergue des combinaisons de biomarqueurs. Le laboratoire Sanofi a d’ailleurs investi 180 millions de dollars dans la société pour optimiser ses essais cliniques mais surtout pour détecter des biomarqueurs prédictifs des maladies et de nouvelles cibles thérapeutiques spécifiques à chaque type de cancer.5
Pour augmenter la vitesse de la recherche, la cadence des découvertes et rendre l’innovation rapidement accessible, les acteurs de la santé collaborent de plus en plus. C’est tout l’objectif du Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) inauguré le 4 février dernier par le ministre de la Santé et des Solidarités, Olivier Véran, ainsi que la ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal.
Inauguration du Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) le 04/02/22
(Source : www.gustaveroussy.fr)
Cette association co-fondée par Gustave Roussy, l’Université Paris Saclay, Sanofi, l’Inserm et l’Institut Polytechnique de Paris vise à rassembler l’expertise des acteurs de l’écosystème en un guichet unique. Hôpitaux, universités, industriels, investisseurs, start-up, professionnels de santé et patients travaillent en pluridisciplinarité autour d’un plateau technique de pointe intégrant l’intelligence artificielle pour faciliter l’analyse des données. Cette structure, unique en Europe, centralise un grand nombre de données spécialisées qui sont stockées de manière sécurisée.
L’IA comme outil de prédiction
Grâce à l’IA et l’analyse de milliards de données auxquelles la technologie a accès, il devient aussi possible de prédire l’espérance de vie d’un patient, le risque de rechute ou encore sa réponse à un traitement. Ainsi, la prise en charge et le traitement proposés au patient sont personnalisés. C’est ce que propose également Owkin, en développant des algorithmes d’apprentissage automatique pouvant exploiter des masses de données complexes issues de nombreux patients et regrouper les patients selon certains critères. Ainsi, l’IA peut analyser les antécédents des patients similaires et donc prédire si un traitement sera efficace. Cela est particulièrement utile dans le cas des immunothérapies qui sont très couteuses et efficaces seulement pour certains types de cancer.
L’IA pour assister le médecin dans sa pratique
Aujourd’hui, grâce aux progrès de la science, 60% des cancers peuvent être guéris. Mais pour cela, il doit être détecté au plus tôt. C’est pourquoi l’IA intervient dans l’aide au diagnostic : elle accompagne le médecin dans sa pratique pour préciser et accélérer la lecture des signaux parfois difficiles à déceler à l’œil nu et ainsi faciliter la pose d’un diagnostic fiable et rapide.
Les outils d’aide au diagnostic utilisant l’IA se sont particulièrement développés ces dernières années.
La plupart des solutions se basent sur l’analyse précise d’imagerie médicale, rendue possible par un apprentissage préalable : des images sont visualisées un grand nombre de fois par la solution, qui devient ensuite capable de détecter seule les anomalies.
L’IA développée par Google pour détecter le cancer du sein est un bon exemple de solution puisqu’elle a obtenu de meilleurs résultats d’efficacité que ceux de l’Homme.6
Mammographie lue par intelligence artificielle
(Source : www.sciencesetavenir.fr)
L’arrivée de ces technologies numériques transforme la pratique des professionnels de santé. Pour autant, ces solutions ne visent pas à remplacer le médecin mais plutôt à l’assister dans sa pratique afin d’augmenter ses capacités : elles sont une solution de soutien face aux multitudes de diagnostics possibles et elles permettent de passer au-dessus de la fatigue et du risque d’erreur qui sont, tout simplement, humains.
L’IA permet, en effet, de tirer profit de cette matière première très hétérogène que sont les données afin de produire des connaissances nouvelles, utiles à la prise en charge. Mais pour que l’IA ait suffisamment de matière, il est nécessaire de rassembler une immense quantité de données.
Pour cela, on observe de plus en plus de partenariats et de collaborations autour du partage des données permettant d’accélérer la recherche et optimiser la prise en charge des patients.
La toute récente base de données FrOG (pour French OncoGenetics) en est un exemple français.7 Elle vise à centraliser les données oncogénétiques et donc tous les variants du cancer jusqu’ici identifiés. Cela a pour but de faciliter la prise de décision dans les services d’oncologie et donc de mieux conseiller le patient. Elle est née en ce début d’année 2022 de la collaboration d’Unicancer avec 15 CHU et centres de lutte contre le cancer et elle recense des données collectées par les laboratoires de génétique moléculaire depuis les années 1990.
Quel avenir pour l’IA ?
Outre les questions éthiques que l’intelligence artificielle soulèvent quant à la responsabilité et au partage des données, elle montre déjà des intérêts majeurs en oncologie et dans la pratique médicale.
Pour autant, l’IA nécessite d’être entrainée en permanence afin d’obtenir des résultats de plus en plus fiables mais de grands espoirs sont placés dans cette technologie.
De nombreux projets qui utilisent l’IA sont d’ailleurs en cours ou prévus pour les années à venir et promettent de nombreux bénéfices pour la prise en charge des patients atteints de cancer. Par exemple, des projets de recherche en bio-informatique sont en cours dans le cadre du Plan France Médecine Génomique 2025 de l’Alliance Nationale pour les Sciences de la Vie et de la Santé (AVIESAN) afin de trouver des corrélations entre les données issues de l’analyse du génome et les expressions cliniques des cancers. Cela pourrait permettre de poser des diagnostics génétiques sur certains cancers et ainsi personnaliser davantage les traitements et ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques.
SOURCES
- ONU Info. « Cancer : plus de 19 millions de nouveaux cas et 10 millions de décès en 2020 » news.un.org, 15 décembre 2020.
- Unicancer. « Communiqué de presse- Améliorer la prise en charge des patients en oncogénétique » unicancer.fr, 31 janvier 2022.
- Larousse Encyclopédie. « intelligence artificielle » larousse.fr
- Actu IA. « Sanofi et Owkin associés dans la lutte contre le cancer avec l’intelligence artificielle et l’apprentissage fédéré » actuia.com, 22 novembre 2021.
- Fondation pour la recherche médicale. « L’intelligence artificielle au service de la santé » frm.org
- Manuel Silverio. « Google AI for breast cancer detection beats Doctors” towardsdatascience.com, 03 janvier 2020.
- Gustave Roussy. « Lancement officiel du Paris Saclay Cancer Cluster à Gustave Roussy » gustaveroussy.fr, 08 février 2022