L’industrie pharmaceutique fait face à un double défi structurel. D’une part, l’accès aux médecins est de plus en plus limité : 75% restreignent leurs contacts avec les laboratoires et près d’un tiers ont fermé leur porte à l’industrie. A cela, s’ajoute une baisse structurelle du nombre de visiteurs médicaux passé de 24 000 en 2004 à environ 8 000 en 2024.
Les attentes des professionnels de santé évoluent : 57% estiment que les délégués médicaux ne répondent pas à leurs besoins. Les médecins cherchent de nouvelles façons de se former et s’informer avec davantage de snack content (contenu court à consommer rapidement), de services pour leurs patients et leur pratique, de personnalisation, d’interactions hybrides et entre pairs ainsi que plus de contenus environnement.
Face à cette baisse continue des interactions, une sorte de « Customer Cliff », les modèles d’interaction traditionnels montrent leurs limites. Pour s’adapter, plusieurs stratégies émergent et coexistent aujourd’hui. Elles ne sont ni exclusives, ni concurrentes, mais complémentaires selon les profils cibles, le cycle de vie des produits, les capacités d’exécution et la stratégie des laboratoires.
L’hybridation des interactions : maintenir le lien via une double approche terrain et digitale
Ce modèle consiste à combiner les visites médicales face à face avec les canaux digitaux (approved e-mail, visite du site internet professionnel, e-symposium, visite médicale à distance, webinaire…) au sein d’une séquence. L’hybridation permet alors de maintenir une relation humaine tout en s’adaptant au manque de disponibilités des professionnels de santé et en ayant une plus large couverture. Cela génère de la performance avec un gain de 5% à 15% selon les combinaisons des canaux digitaux. On parle de 7 à 10 contacts par an à minima mixant points de contact face et face et digitaux. Mais du contact pour du contact peut constituer les composantes d’un faible impact au final. La notion de qualité et de temps d’échange devient la nouvelle donne : préférer la part de temps à la part de voix (SOT vs SOV).
La personnalisation des interactions : orchestrer les échanges selon les préférences de chacun
Il s’agit d’adapter les messages, les canaux et les moments de contact en fonction des attentes de chaque professionnel de santé. Ce modèle repose sur une segmentation fine des professionnels de santé enrichie par la construction de personae. Ces profils permettent d’identifier les préférences et de construire les séquences d’interactions en conséquence. L’objectif est de proposer une expérience plus ciblée, plus fluide et alignée sur les besoins spécifiques de chaque persona.
Le pure play : cibler les professionnels de santé avec des formats 100 % digitaux
Le modèle pure play repose entièrement sur des canaux numériques pour accompagner les professionnels de santé sans intervention physique d’un délégué.
Cela peut concerner des PDS qui refusent la visite médicale ou des produits matures ou en fin de cycle. Le succès du digital only repose sur la création d’une séquence fluide avec les médecins non vus : approved emails, site professionnel, webinaires, réseaux sociaux.
Le pure play nécessite une connaissance précise du professionnel de santé pour lui proposer un contenu digital à forte valeur ajoutée et l’étude de données autour de ses préférences (taux de clics, sujets d’intérêt, taux de conversion, taux d’ouverture…).
L’ « on-demand » : attirer les médecins avec une offre sur étagère
Le modèle « on-demand » permet au professionnel de santé d’accéder à du contenu, des interactions avec les laboratoires et services lorsqu’il le souhaite, selon ses disponibilités.
Par exemple, cela consiste dans des webinaires en replay, disponibles à la demande ou des sites professionnels, pour interagir avec le délégué si besoin.
Ce modèle répond aux contraintes de temps et d’accès des professionnels de santé. Il valorise le contenu proposé, l’interaction avec le laboratoire et représente un service au-delà de la promotion.
Il permet également au délégué de maintenir le lien avec le PDS entre les visites. Ce modèle n’exclut pas les modèles traditionnels ou hybrides mais les renforce en proposant un contenu adapté aux préférences du PDS que ce soit avant, après ou en remplacement d’une visite.
Un levier transversal : l’IA et la donnée pour piloter tous les modèles
L’intelligence artificielle et la donnée jouent un rôle central dans l’évolution des modèles d’engagement. Elles permettent de mieux connaître les professionnels de santé en combinant données de prescription, de préférences, de comportements et d’attitudes. Cette connaissance est activée via des outils comme le CRM qui organise les informations et permet de piloter les séquences. L’IA vient enrichir ce pilotage avec des recommandations NBA et des analyses prédictives, contribuant à aligner chaque interaction sur le bon message, le bon moment et le bon canal.
Ces modèles d’engagement offrent aux laboratoires pharmaceutiques des stratégies complémentaires pour mieux répondre aux besoins et nouvelles attentes des professionnels de santé mais également de positionner le visiteur médical comme l’orchestrateur de toutes ces interactions.
SOURCES :
- Étude CMI Media Group et Medscape 2023
- Étude de la FNIM 2024
- Étude AnalyticsIQ – Data is Key to HCP Engagement
- Étude IQVIA 2023 de cohorte sur l’efficacité des stratégies omnicanales en industrie pharmaceutique. Données anonymisées d’un laboratoire pharmaceutique français
- Baromètre TechToMed de la pratique omnicanal des pharmas 2024
- Image générée par DALL·E le 31 juillet 2025
