Paris, le 5 avril 2022
Bonjour Noémie Parker, Bonjour Franck Le Meur,
Noémie, pourriez-vous vous présenter ?
[NP] Je suis CEO et co-fondatrice de Hokla. Hokla est une société investie dans les thérapies digitales.
Noémie, pourriez-vous nous présenter votre parcours ?
[NP] Après une école de commerce, j’ai rapidement été happée dans le monde de l’entreprenariat, un peu par hasard. A cette époque déjà, je sentais bien que dans la tech était « The Place to be ».
Après avoir monté une première entreprise au sein d’un incubateur de startups allemand, j’ai rejoint une agence d’experts en développement de projets web, Theodo.
J’ai accompagné le scale up de Theodo. Quand je suis arrivée, on était une cinquantaine et quand je suis repartie, il y avait à peu près 500 collaborateurs.
Pendant ces 6 années, j’ai globalement changé de job chaque année. J’ai été coach agile, product owner, directrice de programme … ce qui m’a permis de progresser et d’acquérir pas mal de compétences dans la conception et le développement de produits web.
J’ai travaillé sur des problématiques d’acquisition et de rétention des utilisateurs sur les apps mobiles. Qu’est ce qui explique le succès d’un produit ? Ou comment fait-on pour délivrer un produit digital on time et on budget ?
Après 6 ans et l’accélération liée au Covid, j’ai voulu mettre à disposition ce savoir-faire pour les acteurs de la santé. Je me suis rendue compte qu’il était extrêmement difficile de concevoir des produits digitaux, plébiscités à la fois par les professionnels de santé (PDS) et les patients, qui respectent les réglementations et les attentes en matière de santé. Aujourd’hui, quand vous faites un produit dans le digital hors santé, 60% des fonctionnalités ne sont jamais utilisées par les utilisateurs et ce chiffre explose encore plus quand on parle de produits digitaux en santé.
J’ai lancé Hokla pour mettre à profit ce savoir-faire en conception et développement d’app au profit des PDS. On peut construire des produits grâce à la tech qui sont inimaginables aujourd’hui, et notamment des Dtx.
C’est avec cette volonté d’aider les PDS et plus généralement tous les acteurs de santé, qu’on a monté Hokla avec mon associé Thomas (@Thomas Walter).
Pourriez-vous nous parler d’Hokla ? Nombre de collaborateurs, place sur le marché …
[NP] Chez Hokla, on est une vingtaine de collaborateurs. Lancé il y a 1 an et demi, on fait partie d’un startup studio qui regroupe +500 personnes. On bénéficie de la force de cet écosystème. Aujourd’hui, on se positionne comme l’agence leader dans la conception et le développement des thérapies digitales et des dispositifs médicaux numériques.
Notre volonté : avoir un impact positif et pragmatique pour aider les PDS et les patients. On s’implique sur différentes thématiques : aide à la décision thérapeutique, aide au diagnostic, accélération de la recherche, drug discovery ou encore digitalisation d’essais cliniques.
Noémie, qu’en est-il de votre positionnement par rapport aux DTx ?
[NP] Les DTx, sont une nouvelle génération de la tech qui soignent des maladies. Des maladies pour lesquelles on a peu ou pas de traitement. Généralement, on combine les DTx avec une prise en charge par télésurveillance et un accompagnement sur le long terme où les changements comportementaux vont être primordiaux. Les perspectives sont incroyables puisque ce sont potentiellement moins de passages dans les services hospitaliers, une réduction de la prise de médicaments et un allégement de la prise en charge quotidienne.
C’est ce qui nous a porté quand on a creusé ce sujet des DTx.
Hokla accompagne un bon nombre d’entrepreneurs incroyables qui portent cette vision de vouloir changer la manière dont on se soigne aujourd’hui.
Noémie, vous venez de vous engager comme partenaire du DTx France©, qui aura lieu le 5 juillet prochain à Paris, pourquoi ce choix ? Qu’attendez-vous de cette journée ?
[NP] J’ai hâte d’être à cette journée, car je pense que c’est un sujet qui mérite d’être mis en lumière à part entière. Il est vrai qu’en France, les lignes ne sont pas encore bien définies. C’est pourquoi, il est très important que nous soyons soit nombreux à s’impliquer sur ces sujets, soit nombreux à créer des communautés de réflexion si on veut faire bouger les lignes et avoir un impact. L’idée serait de faire évoluer le cadre réglementaire et de lancer de nouveaux essais cliniques en incluant les PDS et les associations de patients qui seraient plus à même de promouvoir ces nouvelles thérapeutiques, ce qui garantira leur prescription.
Chez Hokla, nous travaillons plus spécifiquement sur des sujets qui concernent les usages.
Comment créer de la rétention auprès des patients ? Comment choisir un bon business model ? Comment faciliter l’accès au marché d’une DTx ? Comment fait-on pour que ces DTx soient prescrites ?
C’est sur ces thématiques que j’attends beaucoup de DTx France©. Je suis ravie que des acteurs s’engagent pour fédérer cette pensée, et je suis d’autant plus ravie que Hokla fait partie de cette réflexion.
Franck, comment voyez-vous cette journée DTx France© ? Pouvez-vous la présenter, quelle sera la place d’Hokla ?
[FLM] L’idée germe depuis quelques mois avec un agenda français qui se précise. Il faut savoir qu’en France, le Plan Santé Numérique 2022 arrive à terme et on voit les résultats arriver aujourd’hui, avec mon Espace de Santé.
Tout un agenda technico-réglementaire et d’accès au marché va s’établir cette année. On peut penser à la télésurveillance médicale qui bascule dans le droit commun et qui va s’étendre à l’oncologie. Beaucoup de recommandations sont attendues cette année. Enfin, l’inscription au PLFSS 2022 d’un fast track à la française, nous a poussé à croire qu’il y avait un momentum pour clarifier la place et l’usage des thérapies digitales. Est-ce qu’une DTx est un dispositif médical ou non ? Qu’en est-il des preuves cliniques ? Doit-il nécessairement être prescrit ou pas ?
Une journée pour comprendre et décoder. Mais aussi un moment où tous les acteurs de l’écosystème sont présents pour échanger, débattre et exprimer leurs besoins.
Noémie, tu as mis en avant le challenge des usages. L’obstacle de la prescription et de l’adhésion reste un vrai challenge pour tous. Aujourd’hui les ingrédients pour un accès au marché sont connus. Pourtant, comment créer un succès de pratiques et d’usages pour garantir du volume et donc une solution rentable ?
Si on regarde l’Allemagne et la télésurveillance médicale, il y a un problème d’adhésion et de volume. Et je pense qu’il sera pas mal de s’intéresser aux business models des startups. En effet, les clés du succès ne s’arrêtent pas aux étapes de développement. Elles doivent être capables d’expliquer à ses investisseurs qu’il faut des moyens considérables de promotion et de distribution de la solution.
Des journées comme DTx France sont des journées dont on a besoin, qui sont des événements de networking pour que les gens se croisent et se rencontrent.
[NP] Le lien entre Ma Santé 2022 et ta volonté de lancer cette journée DTx France© est clé. J’avais le sentiment que les DTx étaient absentes de la gouvernance. Il y a un côté très pragmatique où le gouvernement souhaite commencer par la base, et rattraper tout le retard déjà accumulé. Pourtant, très peu de choses sont mises en avant sur la partie Thérapies Digitales.
Noémie, précédemment vous évoquiez les freins à l’usage des techs en santé, pourriez-vous nous en dire un peu plus ?
[NP] Il existe un certain nombre de freins à l’usage dans le secteur de la santé, notamment dans le modèle BtoC. Aujourd’hui, en tant qu’utilisateur vous allez télécharger une nouvelle application tous les 2/3 mois sur votre smartphone, ce qui est très peu.
Avec ce constat, comment faire en sorte que votre app soit téléchargée et utilisée. Et, qu’en est-il de la rétention ? Une fois que le patient est guéri, il n’a plus besoin de l’app, ce qui pose des questions pour le business model.
D’autre part, si on écoute les PDS, selon eux, les techs n’ont pas forcément été à la hauteur des espérances jusqu’à présent. L’imaginaire et les attentes des utilisateurs se heurtent souvent à la réalité, créant une image dissonante.
[FLM] on attend des effets d’accélération d’usage avec la publication des guidelines en oncologie. La prescription d’outils numériques des oncologues va devenir hautement recommandée. On sait prescrire un médicament, en revanche, prescrire une solution numérique va demander un certain temps avant de se normaliser.
Franck, comment voyez-vous une société comme Hokla dans le domaine de la e-santé et de l’écosystème DTx ?
[FLM] Je pense que ce genre de sociétés collaborera plus à l’avenir avec les groupes pharma pour réintégrer totalement ou partiellement les développements de solutions innovantes et numériques en interne au sein des laboratoires.
Noémie, quelle est votre vision des collaborations grands groupes pharma/startups ?
[NP] On a vu évoluer les groupes pharma depuis quelques années.
Une première vague de projets IT pour consolider les socles de production et de logistique. Les produits directement adressés aux patients étaient souvent marginaux et peu dotés.
Ces 10 dernières années avec l’émergence des startups, les groupes pharma ont misé sur des accélérateurs et de l’acquisition de startups. Cela permettait notamment aux startups d’avoir accès à un réseau de distribution ou encore à des données de vie réelle
On entre dans une troisième vague ou les pharma se rendent compte que pour créer de l’innovation pérenne, l’enjeu est de transformer leur mode de gouvernance et de créer de la place pour des nouveaux métiers et des nouvelles manières de travailler.
C’est effectivement dans cet optique là qu’on retrouve de nouveaux programmes de Digital Factory dans les grands groupes pharma. La volonté de ces programmes étant de créer des nouveaux produits en interne tout en s’appuyant sur des startups et des partenaires pour garantir la pérennisation de l’innovation
Pour en apprendre davantage sur le DTx France©, retrouvez toutes les informations sur notre site internet : www.dtxfrance.org
Propos recueillis par les équipes TechToMed